LE DIALOGUE ROYAL-BAYROU: EBAUCHE D'UN FRONT REPUBLICAIN ET DEMOCRATE

Entre les deux tours de l'élection présidentielle, le samedi 28 avril 2007, Ségolène Royal engageait un dialogue avec le leader du parti centriste, François Bayrou. Candidate de toute la gauche et non plus du seul PS, prenant en compte les nouvelles données sorties des urnes -affaiblissement généralisé de l'ensemble de la gauche, captation par le candidat de l'UMP des voix du FN et émergence de François Bayrou-, elle avait toute liberté d'innover en proposant ce dialogue.

Tout le PS aurait dû la saluer et ses chefs monter au créneau contre les réactions hystériques des sicaires de Nicolas Sarkozy. Au contraire, les critiques fusèrent du camp de Mme Royal elle-même.

La victoire de M. Sarkozy  donne raison à cette démarche. Les dérives engagées par son gouvernement: tests ADN, atlantisme, contournement de la Constitution, abaissement du Parlement, création d'un ministère de l'identité nationale, mise en place d'une immigration dite choisie, destruction du système de santé solidaire, paquet fiscal et inefficacité économique moquée dans toute l'Europe, soumission des médias officiels, apparition au grand jour d'un deuxième gouvernement des conseillers irresponsable, destruction des fondements de la fonction publique; toutes ces dérives ou presque avaient été évoquées par Mme Royal et M. Bayrou.

Alors que socialistes donnent la triste image de la guerre des egos par livres interposés, M. Bayrou mène, malgré son isolement une critique en règle de la présidence Sarkozy, très bien comprise par les Français. Que font donc les vedettes socialistes?

Après le succès d'une pétition lancée par Charlie-hebdo et SOS-Racisme signée notamment par Ségolène Royal (mitterrandienne) et Dominique de Villepin (chiraquien), un front républicain s'esquissait contre les mesures inspirées par l'extrême droite comprises dans la loi Hortefeux sur l'immigration, notamment les tests ADN préconisés par l'amendement Mariani et soutenus par le gouvernement. On peut penser dans un scénario fiction que les deux anciens présidents auraient volontiers fait front contre une telle dérive. Ce qui prouve à ceux qui ne l'ont toujours pas compris que la droite républicaine s'est noyée dans le sarkozysme, mélange de thatchérisme archaïque et périmé, d'un bushisme inconsistant, d'ultralibéralisme faussé par une politique pour la rente et la spéculation le tout enrobé dans un néo-nationalisme identitaire violent, aux relens coloniaux et anti-allemands.

Le 14 octobre 2007, point d'orgue d'une mobilisation transcendant les clivages politiques et rassemblant des républicains de tous bords, un meeting contre les tests ADN était organisé avec succès au zénith de Paris. La "photo de famille" est intéressante. Elle réunit François Bayrou, Marielle de Sarnez, Corinne Lepage (centristes historiques), François Goulard (UMP), François Hollande, Laurent Fabius (PS), Cécile Duflot (Les Verts), Jacques Ralite (PC) pour ce qui est des politiques.

Cela prouve une chose. Nous ne sommes plus face à une droite républicaine classique. Sur des principes fondamentaux piétinés par le gouvernement de François Fillon -dignité humaine, droit de la famille, conventions internationales, égalité devant la loi, soumission de l'utilisation par l'administration de moyens scientifiques à une décision d'ordre judiciaire-, un front très large se profile spontanément.

Sur bien d'autres sujets : l'Etat impartial, la liberté de la presse, l'indépendance des partis politiques, une vraie réforme des institutions, les socialistes devraient faire front avec le Modem de M. Bayrou, à condition de rester unis et de ne pas se laisser déborder par l'opposant centriste à Nicolas Sarkozy.

Electoralement parlant, à court terme au moins, la stratégie doit être engagée. Elle l'est déjà au niveau local, il faut qu'aun niveau national, des points de convergence puissent apparaître: les principes fondamentaux de la République n'en valent-ils pas la peine?

Le vrai risque à éviter à tout prix, c'est la division du PS, voire sa scission, assorties d'une centrisation du PS, ce qui impliquerait une marginalisation du parti socialiste, débordé sur sa gauche et sur sa droite dans la perspective de la présidentielle de 2012. Tout repose donc sur la responsabilité des socialistes qui aujourd'hui vitupèrent contre Ségolène Royal en s'arc-boutant sur les vieilles lunes du cercle d'Epinay.

De toutes les façons, il faut espérer qu'une opposition massive, frontale même si elle est plurielle se retrouve contre Nicolas Sarkozy. Le dialogue engagé par Mme Royal et M. Bayrou ne peut être que salué, il fut digne, respectueux des différences de chacun, porteur de principes fondamentaux de la République et posant le principe simple qui veut que certains problèmes récurrents, comme celui des banlieues ou des institutions, ne seront résolus qu'avec une large majorité.